Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/43

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Après avoir franchi les colonnes d’Héraklès, l’Océan qui entoure la terre devient inconnu et furieux.

Et il crée dans sa course des îles sombres où vivent des hommes différents et des animaux merveilleux. Là est un serpent à barbe dorée qui gouverne son royaume avec sagesse ; et les femmes de cet endroit ont un œil à l’extrémité de chacun de leurs doigts. D’autres ont des becs et des huppes comme les oiseaux ; pour le reste ils sont semblables à nous. Dans une île où j’arrivai, les habitants portaient leurs têtes à la place où nous avons l’estomac ; et quand ils nous saluèrent, ils inclinèrent leurs ventres. Pour les cyclopes, les pygmées et les géants, je n’en parlerai pas ; car leur nombre est trop grand.

Aucune de ces choses ne me paraît tenir du prodige ; je n’en éprouve pas de terreur. Mais un soir j’ai vu Skylla. Notre bateau touchait le sable de la côte sicilienne. Comme je tournais le gouvernail, j’aperçus au milieu de l’eau une tête de femme qui avait les yeux fermés. Ses cheveux étaient couleur d’or. Elle semblait dormir. Et aussitôt je tremblai ; car je craignais de voir ses