Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aime pas les cercles noirs de son ventre. Autrefois, je croyais l’abeille un baiser avec des ailes. Je viens de tremper mon doigt dans un rayon de miel, et tout le parfum du miel nouveau s’est envolé. J’ai cessé d’aimer le miel.

– Chloé, donne-moi un baiser, dit Daphnis.

– Voici, mon Daphnis.

Et les deux ombres blanches furent troublées, sans rien oser dire. Car leur baiser n’avait plus d’aiguillon, ni d’odeur sauvage ; et comme le désir des brebis, des chèvres, des oiseaux et des cigales diminuait dans leur cœur, le plaisir de toucher leur corps ne les agita plus d’un frémissement.

– O Chloé, ici nous avions des fromages gras sur des claies vertes.

– Et je n’aime presque plus les fromages, mon Daphnis.

– O Chloé, là nous avons cueilli les premières violettes de notre dernière année.

– Et je n’aime presque plus les violettes, mon Daphnis.

– O Chloé, regarde ce petit bois où tu m’as donné ton premier baiser.