Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/83

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mais je devinais à qui j’avais affaire. J’avais senti trois rangées de gros clous. Enfin, aux Italiens, je me trouve pris dans une bagarre : et, ma foi, je m’enfile dans la première pissotière. Les forcenés battaient le manchon de tôle à coups de poing. Je tourne doucement : on avait barricadé la sortie avec deux bancs arrachés. Que devenir ? Je considérais tristement un gros morceau de pain qui mijotait sous le filet d’eau, près d’un demi-numéro du Siècle, quand soudain s’abat sur moi je ne sais d’où, une sorte de trombe, un ouragan liquide, un orage d’égout, tout pétaradant, tout ronflant, tout borborygmant de furieuses matières giclant en triple décarrade d’un tonneau débondé… Ah mes amis ! Il faut croire qu’en cette seconde, l’instinct me donna le génie de l’audace : car je me trouvai libre, sans savoir comment — et seul — mais en quel état ! Mon pardessus pleurait à grosses larmes que je n’osais essuyer. Je considère les alentours. Tout était très calme. Une femme dans un kiosque à journaux me fut une vision familière de salut. M’approchant avec politesse, je lui demandai l’Officiel.

— Tenez, Monsieur, me dit-elle : mais d’abord ôtez votre pardessus !