Page:Schwob - Vies imaginaires, 1896.djvu/57

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de Diogène qui, ayant crié un jour : « Hommes, approchez ! » frappa de son bâton ceux qui étaient venus et leur dit : « J’ai appelé des hommes, et non pas des excréments. » Cratès fut tendre pour les hommes. Il ne se souciait de rien. Les plaies lui étaient familières. Son grand regret était de n’avoir point le corps assez souple pour parvenir à les lécher, comme font les chiens. Il déplorait aussi la nécessité de se servir d’aliments solides et de boire de l’eau. Il pensait que l’homme devait se suffire à lui-même, sans aucune aide extérieure. Au moins, il n’allait pas chercher d’eau pour se laver. Il se contentait de se frotter le corps aux murailles si la crasse l’incommodait, ayant remarqué que les ânes n’agissent point autrement. Il parlait rarement des dieux, et ne s’en inquiétait pas : peu lui importait qu’il y en eût ou non, et il savait bien qu’ils ne pourraient rien lui faire. D’ailleurs, il leur reprochait