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IVANHOÉ

de l’adresse de cet homme, qui est si prompt à donner son avis sur les actions des autres.

— Je n’entends pas fuir l’épreuve, dit le yeoman avec la tranquillité qui formait le caractère principal de son maintien.

— En attendant, levez-vous, messieurs les Saxons, dit le prince altier ; car, par la lumière du ciel ! puisque je l’ai dit, le juif aura une place au milieu de vous.

— Non pas, s’il plaît à Votre Grâce ! nous sommes indignes de nous mêler avec les chefs de la terre, dit le juif, car son ambition pour la préséance, bien qu’elle l’eût poussé à disputer sa place avec le pauvre héritier des Montdidier, n’allait pas jusqu’à le pousser à faire invasion dans les priviléges des riches Saxons.

— Lève-toi, chien d’infidèle, quand je te le commande ! dit le prince Jean, ou je te ferai arracher ta peau noire, et je la ferai tanner pour confectionner une selle à mon cheval.

Ainsi stimulé, le juif se mit à monter les degrés étroits et élevés par lesquels on arrivait à la galerie.

— Voyons un peu qui osera l’arrêter, dit le prince en fixant son œil sur Cédric, dont l’attitude dénonçait l’intention de lancer le juif la tête en bas.

Cette catastrophe fut prévenue par le bouffon Wamba, qui, s’élançant entre son maître et Isaac, s’écria, répondant au défi du prince :

— Pardieu ! ce sera moi !

Il opposa à la barbe du juif, et en manière de bouclier, un morceau de jambon qu’il tira de dessous son manteau, et dont sans doute il s’était muni lui-même de peur que le tournoi, durant trop longtemps, ne le forçât à un plus long jeûne que son estomac ne pouvait le supporter.

Se trouvant nez à nez avec l’abomination de sa tribu, tandis que le bouffon faisait tournoyer en même temps son épée de bois au-dessus de sa tête, le juif recula, perdit l’équilibre, et roula sur les degrés, à la grande jubilation des