Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/13

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Telle est la puissance du vrai, la fascination du beau, que, comme ces enfants rachitiques à qui les Arabes font manger de la moelle de lion, je me sentis peu à peu transformé, et qu’au bout d’un mois j’avais essayé de faire un mélodrame d’Ivanhoe.

C’était peut-être le centième que l’on faisait sur le même sujet ; le mien ne fut pas plus joué que les autres ; mais mon premier pas était fait vers le vrai et, par conséquent, vers le beau.

Depuis ce temps, j’ai pu, par erreur, m’écarter de la route qui y conduit ; mais jamais volontairement, du moins, je n’ai été en arrière.

Vingt ans après, j’avais fait des romans moi-même, on me traduisait à mon tour, et j’étais à peu près aussi à la mode en Angleterre que, vingt ans auparavant, Walter Scott l’était en France.

Un jour, je reçus de Londres une lettre ainsi conçue :


« Hôpital de ***.
» Monsieur,

» Je vous écris du lit de douleur où je suis couché, réduit à la suprême misère ; dans un moment de désespoir, j’ai voulu me tuer d’un coup de pistolet. La balle, au lieu de me faire sauter la cervelle, comme je l’espérais, a rencontré une dent qu’elle a brisée et m’est sortie par la joue. Depuis un mois, je suis à l’hôpital ; depuis un mois, je cherche si j’ai un ami au monde à qui emprunter cinq livres, et je ne trouve pas cet ami.

» Une illumination de la Providence m’a fait penser à