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IVANHOÉ.

ton maître aura besoin d’argent, qu’il s’adresse à Isaac d’York !… Soixante-dix-sept… C’est-à-dire avec une hypothèque raisonnable.

Ici, il fit une longue pause, et Gurth avait bon espoir que les trois dernières pièces échapperaient au sort de leurs compagnes ; mais l’énumération continua :

— Soixante-dix-huit… Tu es un brave garçon !… Soixante-dix-neuf… Et tu mérites quelque chose.

Ici, le juif s’arrêta de nouveau, et se mit à regarder le dernier sequin, voulant sans doute le donner à Gurth. Il le pesa sur le bout de son doigt et le fit sonner en le laissant tomber sur la table. S’il eût rendu un son sourd, ou s’il se fût trouvé trop léger d’un cheveu, la générosité aurait eu le dessus ; mais, malheureusement pour Gurth, le son était plein et vrai ; le sequin, gras et nouvellement frappé, avait un grain en sus du poids.

Isaac ne pouvait prendre sur son cœur de s’en défaire ; aussi le laissa-t-il tomber dans sa bourse comme par distraction, en disant :

— Quatre-vingts ! Le compte y est, et j’espère que ton maître te récompensera dignement. Assurément, ajouta-t-il en regardant le sac avec des yeux avides, tu as encore de l’argent dans ce sac ?

Gurth fit une grimace ; c’était ce qui, chez lui, approchait le plus du rire, et répliqua :

— Environ la même somme que tu viens de compter avec tant de soin.

Puis il plia la quittance et la mit dans son bonnet, en ajoutant :

— Au péril de ta barbe, juif, aie soin que ceci soit en règle.

Puis il se remplit, sans y être invité, une troisième coupe de vin, et quitta l’appartement sans cérémonie.

— Rébecca, dit le juif, cet Ismaélite m’a joué cette fois. Néanmoins, son maître est un brave jeune homme, et je suis bien aise qu’il ait gagné de l’or et de l’argent par la vitesse de son cheval et la force de sa lance, laquelle,