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IVANHOÉ.

maître mépriserait la paille sur laquelle je suis couché. Passe donc ton chemin, et que Dieu t’assiste !

— Mais comment me sera-t-il possible, reprit le chevalier, de trouver mon chemin à travers un tel fourré, quand la nuit tombe ? Je vous prie donc, mon révérend père, au nom de notre commune religion, de m’ouvrir votre porte et de m’indiquer au moins la route.

— Et moi, je vous prie, bon frère chrétien, répliqua l’anachorète, de cesser de me troubler ; vous m’avez déjà interrompu dans un Pater, deux Ave et un Credo, que moi, misérable pécheur que je suis, j’aurais dû, selon mon vœu, avoir récités avant le lever de la lune.

— La route ? la route ? vociféra le chevalier. Donnez-moi des renseignements sur la route, si je ne puis obtenir davantage de vous !

— La route, reprit l’ermite, est facile à suivre : le sentier du bois conduit à un marais, et, de là, à un gué qui peut être praticable, les pluies ayant cessé ; quand tu auras passé le gué, il faudra avoir soin, en montant la rive gauche, de faire grande attention où tu poseras le pied, car la rive est à pic et le sentier qui surplombe la rivière s’est affaissé dernièrement, selon ce que l’on m’a dit, en plusieurs endroits ; mais je ne puis certainement te renseigner là-dessus, vu que rarement je quitte mon ermitage. Ce point dépassé, tu iras droit devant toi.

— Un sentier effondré, une côte à pic, un gué et un marais !… s’écria le chevalier l’interrompant. Messire ermite, quand vous seriez le plus saint de tous les ermites qui aient jamais porté la barbe ou compté les grains d’un rosaire, vous ne me déterminerez pas à suivre une telle route cette nuit. Je te dis donc que, toi qui vis par la charité du pays, et qui, je n’en doute pas, n’en es aucunement digne, tu n’as pas le droit de refuser l’abri au voyageur, quand ce voyageur est dans la détresse. Ouvre vite ta porte, ou je jure par la croix que je l’enfoncerai et me ferai moi-même l’entrée que tu ne veux pas me faire !