Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/230

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fois, et maintenant se réjouissait de le voir reparaître. Le javelot blessa l’animal à l’épaule, et peu s’en fallut qu’il ne le clouât à terre, et Fangs s’enfuit en hurlant hors de la présence du thane irrité.

Le cœur de Gurth se gonfla, car il souffrit bien plus de ce meurtre projeté sur son fidèle compagnon, que du cruel traitement infligé à lui-même. Ayant fait un vain effort pour porter la main à ses yeux, il dit à Wamba, qui voyant la mauvaise humeur de son maître, avait eu la prudence de se retirer en arrière :

— Je t’en prie, aie la bonté de m’essuyer les yeux avec le pan de ton manteau ; la poussière me fait mal, et ces liens ne me permettent pas de m’aider moi-même d’aucune manière.

Wamba lui rendit le service qu’il réclamait, et ils chevauchèrent côte à côte pendant quelque temps. Gurth gardait un silence rancunier ; mais, à la fin, il ne put comprimer davantage ses sentiments.

— Oui, Wamba, dit-il, de tous ceux qui sont assez sots pour servir Cédric, toi seul as l’adresse de le distraire avec ta folie : va donc à lui, et dis-lui que ni par amour, ni par crainte, Gurth ne veut plus le servir. Qu’il me coupe la tête, qu’il me fasse battre de verges, qu’il me charge de fers ; mais dorénavant il ne me forcera plus ni à l’aimer ni à lui obéir ; va donc à lui et dis-lui que Gurth, le fils de Beowulph, renonce à son service.

— Assurément, répondit Wamba, tout fou que je suis, je ne veux pas exécuter ta sotte commission. Cédric a encore un javelot dans sa ceinture, et, tu le sais, il ne manque pas toujours son but.

— Je me soucie peu, répondit Gurth, qu’il me prenne pour but. Hier, il a laissé Wilfrid, mon jeune maître, baigner dans son sang ; aujourd’hui, il a essayé de tuer sous mes yeux la seule créature qui m’ait jamais montré quelque attachement. Par saint Edmond ! par saint Dunstan ! par saint Withold ! par saint Édouard le Confesseur