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IVANHOÉ.

donnant toute l’extension possible à leurs puissants poumons, une vieille chanson bachique dont voici le refrain :

             Allons, passe-moi le pot brun,
                         Joyeux serviteur !
             Allons, passe-moi le pot brun.
Ô joyeux Jenkin ! J’aperçois un manant qui s’enivre.
             Allons, passe-moi le pot brun.

— Ce n’est pas mal chanté, dit Wamba, qui avait risqué quelques notes à lui pour soutenir le chœur ; mais qui, au nom des saints ! se serait jamais attendu à entendre un chant si joyeux sortir à minuit de la cellule d’un ermite ?

— Ma foi ! moi, dit Gurth ; car le gentil clerc de Copmanhurst est un homme connu : c’est lui qui tue la moitié des daims qu’on braconne dans ces environs. On dit que le garde s’est plaint à son supérieur, et que ce moine sera dépouillé de son froc et de sa calotte, s’il ne se conduit pas mieux.

Tout en parlant ainsi, les coups vigoureux et réitérés de Locksley finirent par interrompre l’anachorète et son convive.

— Par les grains de mon chapelet ! dit l’ermite s’arrêtant court sur une note très sonore, voici encore des voyageurs attardés qui arrivent ; je ne voudrais pas, pour l’honneur de mon froc, qu’on me trouvât dans ce bel exercice. Tous les hommes ont leurs ennemis, brave sire Fainéant, et il y en a d’assez malicieux pour transformer la franche hospitalité que je vous offre, à vous voyageur fatigué, pendant trois petites heures, en ivrognerie et en débauche, vices aussi contraires à mon état qu’à mon caractère.

— Les vils calomniateurs ! répliqua le chevalier, je voudrais avoir à les châtier. Cependant, pieux clerc, chacun de nous a ses ennemis, et il y en a dans ce pays même à qui j’aimerais mieux parler à travers la visière de mon casque que la tête nue.

— En ce cas, mets ton pot de fer sur ta tête, ami Fai-