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IVANHOÉ.

Bracy ; cependant, j’aurais juré que tes pensées se fussent portées sur les sacs d’argent du vieil usurier plutôt que sur les yeux noirs de sa fille.

— Je puis admirer les uns et les autres, dit le templier ; d’ailleurs, le vieux juif n’est que demi-bénéfice. Il faut que je partage ses dépouilles avec Front-de-Bœuf, qui ne nous prêtera pas pour rien son château. Non, je veux quelque chose que je puisse considérer comme exclusivement à moi dans l’escapade que nous faisons, et j’ai jeté mon dévolu sur la belle juive comme mon butin exclusif. Ainsi donc, maintenant que tu connais mon projet, tu vas reprendre ton premier plan, n’est-ce pas ? car tu n’as rien à craindre, tu le vois, de mon intervention.

— Non, répliqua de Bracy, je veux rester auprès de ma capture. Ce que tu dis est plus que vrai ; mais je n’aime pas les priviléges qui s’acquièrent par la dispense du grand maître, ni le mérite qui dérive du massacre de trois cents Sarrasins. Vous avez un trop bon droit à la libre absolution pour vous montrer scrupuleux sur les petites fautes.

Pendant ce dialogue, Cédric cherchait à arracher de ceux qui le gardaient un aveu de leur caractère et de leurs intentions.

— Vous devez être des Anglais, dit-il ; et cependant, juste Ciel ! vous faites une proie de vos compatriotes comme si vous étiez de vrais Normands. Vous devez être mes voisins, et, dans ce cas, des amis. Car quels sont mes voisins Anglais qui aient des raisons pour être autre chose que des amis ? Je vous dis, yeomen, que ceux-là mêmes d’entre vous qui ont été marqués comme outlaws ont été protégés par moi, car j’ai plaint leur misère et j’ai maudit l’oppression de leurs nobles tyrans. Que voulez-vous de moi ? Et en quoi cette violence peut-elle vous servir ? Dans vos actions, vous êtes pires que des brutes, et vous les imitez jusque par votre mutisme.

Mais ce fut en vain que Cédric interrogea ses gardes, qui avaient de trop bonnes raisons de garder le silence pour