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IVANHOÉ.

aux pieds de Front-de-Bœuf ; puis il se retira à cette distance respectueuse où se tenaient déjà ses compagnons.

Les mouvements de ces hommes étaient lents et solennels, comme si leur âme était agitée par quelque pressentiment d’horreur et de cruauté.

Front-de-Bœuf ouvrit lui-même le drame en s’adressant ainsi à son captif :

— Très maudit chien d’une race maudite, dit-il réveillant de sa voix creuse et triste les mornes échos du souterrain, vois-tu cette balance ?

Le malheureux juif répondit par une faible affirmation.

— Dans cette même balance, tu vas me peser, dit l’implacable baron, mille livres d’argent, selon les justes poids et mesures de la tour de Londres.

— Saint Abraham ! répondit le juif recouvrant sa voix par l’extrémité même de son danger, l’homme a-t-il jamais entendu une pareille demande ? Qui jamais a entendu, même dans un conte de ménestrel, parler d’une somme comme mille livres d’argent ? Quel œil humain fut jamais réjoui par la vision d’une telle masse de trésors ? Ce n’est pas dans les murs d’York, si tu saccageais ma maison et celles de toute ma tribu, que tu trouverais le dixième de cette énorme somme d’argent dont tu parles.

— Je suis raisonnable, répondit Front-de-Bœuf, et, si l’argent est rare, je ne refuse pas de l’or au taux d’un marc d’or pour chaque six livres d’argent, et, si tu fais droit à ma demande, tu délivreras ta carcasse de mécréant d’un châtiment tel que jamais ton cœur n’aurait pu le concevoir.

— Ayez pitié de moi, noble chevalier ! s’écria Isaac ; je suis vieux, pauvre et sans défense ; il serait indigne de vous de triompher de moi. Ce n’est qu’une misérable action d’écraser un vermisseau.

— Tu peux être vieux, reprit le chevalier ; cela n’accuse que la folie de ceux qui t’ont permis de vieillir dans l’usure et la tromperie ; tu peux être faible, car le juif n’a jamais ni cœur ni force ; mais l’on sait bien que tu es riche.