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IVANHOÉ.

— Je te jure, noble chevalier, dit le juif, par tout ce que je crois et par tout ce que nous croyons en commun…

— Ne te parjure pas, dit le Normand en l’interrompant, et prends garde que ton opiniâtreté ne décide de ton sort avant que tu aies vu et bien considéré le destin qui t’attend. Ne pense pas que je te parle seulement pour exciter ta terreur et profiter de la basse couardise que tu as héritée de ta tribu ; je te jure par ce que tu ne crois pas, par l’Évangile que notre Église enseigne, et par les clefs qui lui sont données pour lier et délier, que mon dessein est implacablement arrêté ; ce cachot n’est pas propre aux plaisanteries. Des captifs dix mille fois plus distingués que toi sont morts entre ces murailles, et jamais leur sort n’a été connu. Mais à toi l’on réserve une longue et lente agonie, auprès de laquelle la leur était un enivrement.

Ici, il fit de nouveau signe aux esclaves de s’approcher, et leur parla à l’écart dans leur propre langue, car lui aussi avait été en Palestine, où peut-être il avait appris son rôle inhumain. Les Sarrasins tirèrent de leur panier une certaine quantité de charbon de bois, un soufflet et une bouteille d’huile. Pendant que l’un d’eux battait le briquet et faisait de la lumière, l’autre étala le charbon sur le gril rouillé dont nous avons déjà parlé, et commença de faire jouer le soufflet jusqu’à ce que le combustible fût devenu une fournaise rougeâtre.

— Vois-tu, Isaac, continua Front-de-Bœuf, cette rangée de barres de fer au-dessus de ces charbons ardents ? Sur cette couche brûlante, tu seras étendu, dépouillé de tes vêtements, comme si tu allais te reposer sur un lit de duvet. Un de ces esclaves entretiendra le feu sous toi, tandis que l’autre arrosera tes misérables membres avec de l’huile, de peur que ta chair frémissante ne brûle trop vite. Maintenant, choisis entre ce lit ardent et le paiement de mille livres d’argent ; car, par la tête de mon père ! tu n’as pas d’autre alternative !

— C’est impossible ! s’écria le malheureux juif ; il est impossible que votre intention soit réelle. Le bon Dieu de