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IVANHOÉ.

refroidi, avant que leur sang fût séché, j’étais devenue la proie du vainqueur et l’objet de son mépris.

— N’y a-t-il pas de secours à espérer ? n’y a-t-il pas quelque moyen de s’échapper ? dit Rébecca. Richement, oui, richement, je récompenserai ton aide.

— N’y songe pas, dit la sorcière. Pour sortir d’ici, il n’y a que les portes de la mort. Et ce n’est que tard, trop tard, ajouta-t-elle en secouant sa tête grise, que ces portes s’ouvrent devant nous. Mais c’est une consolation de penser que nous laissons derrière nous, sur la terre, des êtres qui seront misérables comme nous-mêmes l’avons été. Adieu, juive ! Juive ou chrétienne, ton sort sera le même, car tu as affaire à des hommes qui ne connaissent ni scrupules ni pitié. Adieu, te dis-je. Ta tâche n’est pas encore finie.

— Arrête, arrête, pour l’amour du Ciel ! dit Rébecca ; reste, quand ce serait pour me maudire et m’humilier ; ta présence est encore une sorte de protection.

— La présence de la mère de Dieu ne serait pas une protection, répondit la vieille mégère ; elle est là, dit-elle en indiquant une image grossière de la Vierge Marie ; vois si elle peut détourner le sort qui t’attend.

En disant ces mots, elle quitta la chambre, les traits contractés par une espèce de rire moqueur qui lui donna un aspect encore plus hideux que de coutume.

Elle ferma la porte à clef derrière elle, et Rébecca l’entendit maudire à chaque pas les marches de l’escalier de la tourelle qu’elle descendait lentement et avec peine.

Rébecca devait donc s’attendre à un sort encore plus terrible que celui réservé à Rowena ; car quelle probabilité y avait-il qu’on témoignât des égards ou de la retenue envers une fille de sa race opprimée, bien qu’on eût pu en conserver l’ombre envers une héritière saxonne ? Cependant la juive avait encore cet avantage qu’elle était plus préparée par ses habitudes de réflexion et par sa force d’âme naturelle à lutter contre le danger auquel elle allait se trouver en proie.