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IVANHOÉ.

juif dans ce voyage fut plus excessive que sage. La rapidité avec laquelle il voulait voyager amena plusieurs querelles entre lui et l’escorte qu’il avait louée pour l’accompagner comme sauvegarde. Ces hommes étaient des Saxons, et ils n’étaient nullement exempts de cet amour traditionnel pour le bien-être et la bonne chère qui distingue leur nation. À l’opposé de la situation de Shylock, ils avaient accepté cet emploi dans l’espoir d’exploiter le juif opulent et ils furent très vexés en se trouvant trompés dans leur calcul par la rapidité que le juif voulut mettre dans son voyage. Ils se plaignirent aussi du risque que couraient leurs chevaux par suite de cette marche forcée.

Enfin il s’éleva entre Isaac et son escorte une dispute fort vive sur la quantité de vin et d’ale qu’on devait allouer à chaque repas. Aussi, lorsque l’alarme fut donnée, et que le danger qu’Isaac craignait tant, fut sur le point de fondre sur lui, il se vit abandonné par les mercenaires mécontents, sur la protection desquels il avait compté, sans employer toutefois les moyens nécessaires pour s’assurer leur attachement.

C’est dans cet état déplorable que le juif, sa fille et le malade blessé furent trouvés par Cédric, et, ainsi que nous l’avons déjà raconté, qu’ils tombèrent bientôt après entre les mains de de Bracy et de ses confédérés.

On ne fit d’abord que peu d’attention à la litière, et elle aurait pu être laissée sur le chemin, sans la curiosité de de Bracy, qui l’examina, pensant qu’elle pouvait contenir l’objet de son expédition, car lady Rowena avait gardé son voile.

Mais l’étonnement de de Bracy fut au comble, quand il s’aperçut que la litière renfermait un homme blessé qui, s’imaginant être tombé au pouvoir des outlaws saxons, près desquels son nom serait une sauvegarde pour lui et ses amis, avoua franchement qu’il était Wilfrid d’Ivanhoé.

Les idées d’honneur chevaleresque, qui n’abandonnaient jamais entièrement de Bracy au milieu de ses dérèglements et de sa légèreté, l’empêchèrent de faire aucun mal au che-