Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne le calomniait point, d’autres plaisirs mondains, qui se conciliaient plus difficilement encore avec les vœux monastiques. Cependant les idées de l’époque étaient si relâchées, à l’endroit du clergé, soit monastique, soit séculier, que le prieur Aymer jouissait d’une réputation assez honnête dans le voisinage de son abbaye.

Son caractère libre et jovial, ainsi que la facilité avec laquelle il donnait l’absolution aux pécheurs ordinaires, en faisait le favori de la noblesse et des principaux bourgeois, à plusieurs d’entre lesquels il était allié par la naissance, étant d’une famille normande distinguée ; les dames surtout n’étaient point portées à critiquer trop sévèrement les mœurs d’un homme qui était un admirateur avoué de leur sexe, et possédait tant de moyens de chasser l’ennui qui s’acharnait à pénétrer dans les salles où festinaient les maîtres, et dans les boudoirs des vieux châteaux féodaux. Le prieur prenait sa place dans les exercices avec plus d’ardeur qu’il n’appartenait à un homme d’Église, et l’on convenait généralement qu’il possédait les faucons les mieux dressés et les lévriers les plus agiles de North-Riding, circonstance qui le recommandait fortement à la jeune noblesse ; avec la vieille, il avait un autre rôle à jouer, et ce rôle, quand la chose était nécessaire, il le soutenait avec beaucoup de décorum.

Sa connaissance des livres, quoique superficielle, suffisait à imposer à l’ignorance un certain respect pour le savoir qu’on lui supposait ; en outre, la gravité de son maintien et de son langage, et aussi bien le ton sonore qu’il affectait en parlant de l’autorité de l’Église et du clergé, engageait chacun à le tenir presque en odeur de sainteté ; la multitude elle-même, qui est la critique la plus sévère de la conduite des classes supérieures, compatissait aux folies du prieur Aymer. Il était généreux, et la charité, comme on sait, couvre de son manteau un grand nombre de péchés, et cela dans un bien autre sens que ne l’entend l’Évangile. Les revenus du monastère, dont une grande