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IVANHOÉ.

— Nous pouvons rendre témoignage, dit Guilbert, que, lorsque nous avons eu déblayé les ruines, dégagé l’escalier du donjon, avec le secours de saint Dunstan, nous avons trouvé le baril des Canaries à moitié vide, le juif à moitié mort, et le père plus d’à moitié épuisé, comme il dit.

— Vous êtes des drôles, vous mentez ! répliqua le moine offensé ; c’est vous et vos compagnons gloutons qui avez vidé le baril des Canaries, en l’appelant votre coup du matin. Je veux être païen si je ne le destinais pas pour l’usage de notre capitaine ! Mais, au surplus, qu’importe ! le juif est converti, et il comprend tout ce que je lui ai dit presque aussi bien, sinon tout à fait aussi bien que moi-même.

— Juif, demanda le capitaine, est-ce vrai ? As-tu abjuré ta croyance ?

— Puissé-je trouver miséricorde à vos yeux, répondit le juif, comme il est vrai que je n’ai pas compris un mot de tout ce que ce révérend prélat m’a dit pendant cette terrible nuit. Hélas ! j’étais tellement troublé par les angoisses de la crainte et de la douleur, que, si notre vénérable père Abraham lui-même fût venu m’exhorter, il m’aurait trouvé sourd à sa voix.

— Tu mens, juif, tu le sais bien, dit le moine, je ne veux te rappeler qu’un seul mot de notre conférence : tu as promis de donner tous tes biens à notre saint ordre.

— Que tous les patriarches me soient en aide, mes bons seigneurs ! dit Isaac encore plus alarmé qu’auparavant, aucune parole de ce genre n’est sortie de ma bouche. Hélas ! je suis un pauvre vieillard réduit à la misère. Je viens peut-être de perdre ma fille unique. Ayez pitié de moi et laissez-moi partir !

— Non pas, s’écria le moine ; si tu rétractes des vœux faits en faveur de la sainte Église, il faut que tu fasses pénitence.

Et, levant sa lourde hallebarde, il allait en appliquer rudement le manche sur les épaules du juif, lorsque le cheva-