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IVANHOÉ.

— Ce n’est pas une querelle, reprit le chevalier, ce n’est qu’un échange amical de courtoisie. Moine, frappe si tu l’oses, je supporterai ton coup si tu consens à supporter le mien.

— Tu as l’avantage avec ce pot de fer sur la tête, dit le moine, mais voici pour toi. Tu vas tomber, fusses-tu Goliath avec son casque d’airain.

Le frère mit à nu jusqu’au coude son bras musculeux, et, employant toute sa force, il porta au chevalier un coup de poing qui aurait pu assommer un bœuf.

Mais son adversaire resta ferme comme un roc. Un cri immense éclata parmi tous les yeomen rassemblés ; car le coup de poing du clerc était passé chez eux en proverbe, et il y en avait peu d’entre eux qui, au sérieux ou en plaisanterie, n’eussent eu l’occasion d’en connaître la vigueur.

— Maintenant, prêtre, dit le chevalier en ôtant son gantelet, ma tête a un avantage, mon bras n’en aura pas. Tiens-toi ferme, comme un homme de cœur.

Genam meam dedi vapulatori, j’ai donné ma joue au souffleteur, dit le prêtre ; si tu as la force de me faire broncher, mon drôle, je te donnerai pour rien la rançon du juif.

Ainsi parla le prêtre athlétique, en prenant de son côté un air de grand défi. Mais quel est l’homme qui peut lutter contre sa destinée ? Le coup de poing du chevalier fut donné avec tant de force et de si bon cœur, que le moine roula sur l’herbe, au grand étonnement de tous les spectateurs ; mais il se releva sans montrer ni confusion ni colère.

— Frère, dit-il au chevalier, tu aurais dû user de ta force avec plus de ménagement. J’aurais bredouillé la messe si tu m’avais brisé la mâchoire, car celui-là chante mal qui n’a pas toutes ses dents. Néanmoins, voici ma main en témoignage amical que je ne veux plus échanger de coups de poing avec toi, ayant perdu mon pari. Trêve à toute inimitié ! mettons le juif à rançon, puisque le léopard ne change pas de peau et qu’il persiste à rester juif.