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IVANHOÉ.

ces rustres de Saxons avaient réalisé l’idée de Votre Grâce, en convertissant en gibets ces ponts-levis féodaux ! Et cet audacieux Cédric me paraît un homme à l’esprit duquel une telle imagination peut se présenter. Votre Grâce sait combien il serait dangereux de faire un mouvement sans Front-de-Bœuf, de Bracy et le templier, et cependant nous nous sommes trop avancés pour pouvoir reculer sans péril.

Le prince Jean se frappa le front avec impatience, puis il se mit à arpenter l’appartement.

— Les traîtres ! dit-il, les misérables traîtres ! M’abandonner dans une crise pareille !

— Dites plutôt les étourdis à la tête écervelée, s’écria Waldemar, qui s’amusent à des folies quand des affaires si urgentes pèsent sur nos bras !

— Que faut-il faire ? demanda le prince en s’arrêtant court devant Waldemar.

— Je ne crois pas que nous puissions faire autre chose que ce que j’ai ordonné, répondit le conseiller. Je ne suis pas venu déplorer ce malheur avec Votre Grâce sans m’être efforcé d’y trouver un remède.

— Tu es toujours mon bon ange, Waldemar, s’écria le prince, et, avec un chancelier tel que toi dans mes conseils, le règne de Jean deviendra célèbre dans nos annales. Mais quelles sont les mesures que tu as prises ?

— J’ai ordonné à Louis Winkelbrand, le lieutenant de de Bracy, de faire sonner le boute-selle, de déployer sa bannière et de se rendre immédiatement au château de Front-de-Bœuf, afin de faire tout ce qui sera possible pour secourir nos amis.

La figure du prince Jean rougit de colère, comme celle d’un enfant gâté qui croit avoir reçu un affront.

— Par la face de Dieu ! dit-il, Waldemar Fitzurze, tu as pris là beaucoup sur toi ; tu es par trop présomptueux de faire sonner de la trompette ou lever la bannière, dans une ville où nous nous trouvons, sans commandement exprès.

— Je demande pardon à Votre Grâce, dit Fitzurze tout