Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
IVANHOÉ.

— Prends courage, mon frère, dit le médecin ; tu peux traiter avec les Nazaréens et acheter par là toute immunité : l’intérêt gouverne les esprits sauvages de ces hommes impies comme, dit-on, le sceau du puissant Salomon commandait aux mauvais génies. Mais quel est ce pauvre diable qui vient vers nous sur des béquilles et qui cherche, il me semble, à nous parler ? Ami, continua le médecin en s’adressant à Higg, fils de Snell, je ne te refuse pas le secours de mon art ; mais je ne donne pas un liard à ceux qui demandent l’aumône sur la grande route. Fi donc ! As-tu la paralysie dans les jambes ? Alors, que tes mains travaillent pour te procurer l’existence ; car, bien que tu sois incapable de servir de courrier, de berger ou de soldat, ou même de te mettre au service d’un maître impatient, il te reste encore d’autres métiers pour t’occuper. Qu’as-tu donc, mon frère ? dit-il, interrompant sa harangue pour regarder Isaac, qui, ayant jeté un regard sur le billet que lui présentait Higg, laissa échapper un profond gémissement, glissa de sa mule comme un homme qui se meurt et resta quelques instants sans connaissance.

Le rabbin, alarmé, sauta à bas de sa monture, et employa avec empressement les remèdes que son art lui suggérait pour rappeler son compagnon à la vie. Il avait même sorti de sa poche une lancette et allait le saigner, quand le juif se ranima tout à coup ; mais ce ne fut que pour jeter son bonnet loin de lui et répandre de la poussière sur ses cheveux gris. Le médecin attribua d’abord cet accès subit de violente émotion à une aberration d’esprit, et, revenant à son premier dessein, il disposait de nouveau ses instruments ; mais Isaac le convainquit bientôt de son erreur.

— Fille de ma douleur, s’écria-t-il, on aurait dû te nommer Benoni et non Rébecca ! Puisse ma mort précéder la tienne, de peur que, dans l’amertume de mon cœur, je ne maudisse Dieu et ne perde mon âme !

— Frère, dit le rabbin très étonné, est-ce à toi, fils d’Israël