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Le Nain Noir

— Cet homme, miss, a été élevé dans la religion, catholique, secte qui fournit mille exemples de personnes qui ont renoncé à une vie de luxe et de société, pour se condamner à des privations plus cruelles que celles qu’il s’est imposées.

— Mais il n’allègue aucun motif religieux.

— Non, le dégoût du monde a été la cause de sa retraite, sans la couvrir du voile de la superstition. Tout ce que je puis vous dire, c’est qu’il était né avec une grande fortune que son père et sa mère se proposaient d’augmenter en lui faisant épouser une parente que, dans ce dessein, ils élevaient sous leurs yeux. Vous connaissez sa figure ; jugez ce que devait penser la jeune personne du sort qu’on lui destinait. Néanmoins, habituée à le voir, elle ne montrait aucune répugnance, et les amis de… de la personne dont je parle ne doutaient point que l’excès de son attachement, la culture variée de son esprit, les nombreuses et aimables qualités de son cœur, n’eussent surmonté l’horreur naturelle qu’un extérieur aussi repoussant devait lui inspirer.

— Et se trompaient-ils dans leur jugement ? demanda Isabelle.

— Vous allez l’apprendre, continua Ratcliffe. Lui, du moins, connaissait parfaitement ses défauts corporels, et cette idée le poursuivait comme un fantôme… Je suis, c’est ainsi qu’il s’exprimait en me parlant… (je veux dire à la personne qui possédait sa confiance…) je suis, malgré tout ce que vous pourriez me dire, un pauvre misérable proscrit, qu’il aurait mieux valu étouffer au berceau que le laisser vivre pour épouvanter le monde dans lequel je rampe. La personne à laquelle il parlait s’efforçait, mais en vain, de lui inspirer cette indifférence pour les formes extérieures, qui est le résultat naturel de la philosophie, ou de l’engager à considérer que les qualités de l’esprit sont bien supérieures à celles qui sont plus attrayantes sans doute, mais qui sont