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Visite nocturne

changement d’intention, lorsqu’après un laps de temps convenable on indiqua un autre jour pour la célébration. L’ami dont je vous ai parlé résidait alors constamment dans la maison. Un jour, il eut le malheur de céder aux instances que lui fit cet ami de l’accompagner à un lieu de rendez-vous où se trouvèrent des personnes de diverses opinions politiques, et où l’on but largement. Une querelle survint ; l’ami du reclus tira l’épée comme les autres, et fut renversé et désarmé par un antagoniste plus vigoureux. Dans la lutte, ils tombèrent tous deux aux pieds du reclus, qui, tout estropié qu’il le paraît, a néanmoins une grande force, aussi bien que des passions violentes. Il ramassa une épée, et perça le cœur de l’antagoniste de son ami. On lui fit son procès, et ce ne fut pas sans peine qu’on obtint qu’il ne fût condamné qu’à un an d’emprisonnement, comme coupable d’homicide sans préméditation. Cet événement l’affecta vivement, et d’autant plus que la personne qu’il avait tuée jouissait d’une excellente réputation, et avait été grossièrement insultée et provoquée avant de tirer l’épée. Je crus remarquer dès ce moment… pardon… Depuis ce moment, les accès de cette cruelle sensibilité, qui avait fait le tourment de cet homme malheureux, furent rendus plus pénibles par le remords, sentiment auquel de tous les hommes du monde il était le moins capable de s’exposer, ou qu’il avait le moins la force de supporter, lorsque son malheureux destin le condamna à l’éprouver. On ne put empêcher que sa future ne fût instruite de ces paroxysmes de douleur, et il faut avouer qu’ils étaient d’une nature extrêmement alarmante. Il se consolait en pensant qu’à l’expiration de son année d’emprisonnement il pourrait former avec son épouse et son ami une société dans laquelle il se renfermerait comme dans un cercle, hors duquel il pourrait se dispenser d’étendre ses communications avec le monde. Il se trompait ;