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Le Nain Noir

« Je crains, monsieur Ratcliffe, que nous n’ayons perdu Cunny Elshie.

— Oui, il l’est en effet, lui répondit-il en lui remettant un papier ; « lisez, et vous verrez que vous n’avez rien perdu à le connaître. »

C’était un acte fort court, par lequel sir Edouard Mauley, autrement appelé Elshender le Reclus, donnait en toute propriété à Halbert, ou Hobbie Elliot, et à Grâce Armstrong une somme considérable, que le dit Elliot lui avait empruntée.

La joie d’Hobbie fut mêlée de sentiments qui lui firent répandre d’abondantes larmes.

« C’est singulier, dit-il ; mais je ne puis me réjouir de posséder cette fortune, à moins que je ne sache si celui qui me la donne, est heureux aussi.

— Après le sentiment de plaisir qui naît de notre propre bonheur, dit Ratcliffe, le plus vif est celui que nous éprouvons en sachant que nous avons contribué à celui des autres. Si tous les bienfaits de mon maître eussent été répandus comme, celui-ci, combien différemment il en aurait été récompensé ! mais la profusion inconsidérée qui voudrait assouvir l’avarice ou fournir à la prodigalité, ne produit aucun bien et n’offre point en retour la reconnaissance. C’est semer le vent pour recueillir le tourbillon.

— Et ce serait une récolte bien légère, dit Hobbie. Mais avec la permission de ma jeune lady, je voudrais bien prendre les ruches d’abeilles d’Elshie et les placer dans le petit parterre de Grâce, à Heugh-Foot ; elles ne seront jamais inquiétées par aucun de nous. Et la pauvre chèvre, elle serait négligée dans un grand village comme celui-ci, tandis qu’elle pourrait paître à son aise dans notre pré fleuri, le long du ruisseau ; les chiens la connaîtraient dans l’espace d’une journée, et ne lui feraient jamais de mal, et Grâce la trairait elle-même tous les matins pour l’amour d’Elshie, car, quoique bourru et mordant dans ses discours, il était attaché à ces pauvres bêtes. »