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Le Nain Noir

propos d’accepter, ou il le jetait loin de lui, ou le laissait à l’endroit où il était sans en faire usage. Dans toutes les occasions, ses manières étaient rudes et insociables, et ses paroles en nombre justement suffisant pour exprimer sa pensée aussi brièvement que possible, et il coupait court à toute communication qui allait à une syllabe de plus que n’en exigeait l’affaire dont il était question. Lorsque l’hiver fut passé et que son jardin lui fournit des herbages et des végétaux, il se borna presque exclusivement à ce genre de nourriture. Il accepta néanmoins deux chèvres que lui donna Earnscliff ; elles se nourrissaient sur le Moor et lui fournissaient du lait.

Lorsque Earnscliff vit que son présent avait été accepté, il alla bientôt après faire une visite à l’ermite. Le vieillard était assis sur une large pierre plate, à la porte de son jardin ; c’était le siège de la science, qu’il occupait ordinairement lorsqu’il était disposé à recevoir ses malades ou ses clients. Il tenait l’intérieur de sa hutte et celui de son jardin aussi sacré et aussi inaccessibles à tout mortel que les naturels d’Otahiti tenaient leur Moraï ; probablement il les aurait crus souillés par les pas d’une créature humaine. Lorsqu’il se renfermait dans son habitation, aucune prière ne pouvait le déterminer à se rendre visible, ou à donner audience à qui que ce fût.

Earnscliff avait passé une partie de la journée à pêcher dans une petite rivière à quelque distance de là. Il avait sa ligne à la main et son panier rempli de truites sur l’épaule. Il s’assit sur une pierre, presque en face du Nain, qui, familiarisé avec sa présence, ne fit d’autre attention à lui qu’en levant sa grosse tête difforme afin de fixer ses regards sur sa poitrine, comme s’il eût été occupé de profondes méditations. Earnscliff regarda autour de lui et remarqua que l’ermite avait augmenté ses possessions, en construisant un hangar pour servir d’abri à ses chèvres.