Page:Scribe - Œuvres complètes, éd. Dentu, vol. 65.pdf/300

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LE MARQUIS.

À ce que tu me dis là ! c’est un moyen ! C’est une drôle de fille que Manon ! Tant que le chevalier sera malheureux ou absent… elle ne pensera qu’à lui et pas à d’autres ! (Souriant.) Mais s’il lui était rendu à tout jamais…

MARGUERITE.

Eh bien ?…

LE MARQUIS.

La plupart des femmes n’oublient leurs maris que parce qu’ils sont toujours là.

MARGUERITE.

Mauvaise pensée, monseigneur ! mais si elle peut amener une bonne action, peu importe !

LE MARQUIS.

N’est-ce pas ?

MARGUERITE.

J’accepte votre promesse… vous délivrerez Desgrieux.

LE MARQUIS.

Oui.

MARGUERITE.

Vous ne reverrez plus Manon… jamais… (Geste du marquis.) Ou du moins de bien longtemps… ce qui revient au même, car alors vous l’aurez oubliée, et moi, pour le bouquet de fête de votre mère, je vais lui raconter un nouveau trait de générosité de son fils. J’ai idée que cela lui fera plus de plaisir encore que le bal de ce soir.

LE MARQUIS, la retenant par la main et après un instant de silence.

Sais-tu que tu es une terrible fille, Marguerite, et qu’au fond tu n’es pas aussi bonne que tu en as l’air.

MARGUERITE, avec émotion.

C’est la différence qu’il y a entre nous deux, monsieur le marquis ! Adieu, monseigneur !