Page:Scribe - Œuvres complètes, éd. Dentu, vol. 65.pdf/303

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LE MARQUIS.

Eh bien ?

MANON.

Pour voir ce pauvre chevalier que j’aime plus que jamais. Aussi le cœur me battait rien qu’en arrivant dans la rue, et quand je me suis présentée en faisant au factionnaire ma plus belle révérence. — « On ne passe pas. — C’est pour voir un prisonnier. — On ne les voit pas. — C’est mon amoureux, monsieur le soldat, laissez-moi passer, au nom de votre bonne amie ! vous en avez une… j’en suis sûre… » Il a souri et il a repris plus doucement : — « On ne passe pas sans permission. — Permission de qui ? — Du colonel. — Quel est-il ? — Le marquis d’Hérigny. » À ce nom, j’ai manqué tomber de joie et de surprise… le soldat m’a soutenue, pauvre garçon ! et m’a embrassée…

LE MARQUIS, avec colère.

Lui !…

MANON.

Dame ! ce qui tombe dans le fossé est pour… Je suis partie toujours courant, et me voici ! Et vite, monsieur le marquis, il n’y a pas de temps à perdre, donnez-moi un ordre… un permis…

LE MARQUIS, froidement.

Pourquoi ?

MANON.

Comment, pourquoi ? Mais depuis hier, depuis un siècle que je ne l’ai vu, je ne peux pas vivre ainsi… j’en deviendrais folle !

LE MARQUIS.

Vous l’aimez donc toujours ?…

MANON.

Éperdument !