Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/185

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guere moins inquiet. Cependant Abradate & luy, vivoient enſemble avec une civilité froide, qui ſembloit toujours eſtre une diſposition à une nouvelle querelle : comme le Roy ne leur avoit pas deffendu de voir Panthée, mais ſeulement de ſonger a l’eſpouser, ils la voyoient l’un & l’autre quelqueſfois chez elle ; mais beaucoup plus ſouvent ailleurs, de peur d’irriter Creſus : ainſi ils menoient une vie fort contrainte & peu agreable. Abradate eſtoit pourtant beaucoup moins malheureux que ſon Rival : puis que non ſeulement il sçavoit qu’il n’eſtoit pas haï ; mais qu’il avoit encore l’avantage, que la Princeſſe n’alloit en aucun lieu, qu’il n’en fuſt adverty à l’heure meſme. Car comme il eſtoit liberal, ſes Eſpions eſtoient tres exacts & tres fidelles : & je penſe pouvoir dire, qu’il n’y avoit pas un homme, de quelque condition qu’il fuſt, ny chez le Prince de Claſomene, ny chez la Princeſſe ſa Fille, qui ne fuſt abſolument à luy, à la reſerve de Perinthe. Au contraire, l’avarice de Mexaris, faiſoit qu’il eſtoit meſme mal ſervy & mal adverty pis ſes propres gens ; & qu’ainſi il ne sçavoit jamais que ce que perſonne n’ignoroit. Apres avoir donc veſcu quelque temps de cette ſorte, il prit enfin une reſolution fort injuſte & fort violente : qui fut d’enlever Panthée, s’il ne pouvoit obliger lé Prince de Claſomene, à luy faire ſecrettement eſpouser ſa Fille d’authorité abſoluë. Comme il eſtoit dans ces ſentimens, il arriva nouvelle que la Princeſſe Baſiline Tante de Panthée, eſtoit attaquée d’une maladie mortelle : ſi bien que cette Princeſſe qui l’aimoit tendrement, ſuplia ſon Pere de luy permettre d’aller rendre les derniers devoirs, à une perſonne qui luy eſtoit ſi chere. Comme cette priere eſtoit juſte, Panthée