Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/389

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moy que vous avez combatu ? Ce n’eſt n’y pour vous ny pour moy (interrompit mon Maiſtre, avec autant de fineſſe que d’eſprit, pour déguiſer la verité de ſes ſentimens) mais ç’a eſté contre Cyrus. Il ne me ſemble pourtant pas, reprit ce Prince, que vous luy ayez parlé avec autant de marques de haine qu’il en faut avoir, pour combatre en faveur d’un de ſes Rivaux, afin de nuire à un autre : parlez donc je vous en conjure, que dois-je penſer de ce que vous faites, & comment vous dois— je conſiderer ? Comme un homme, repliqua t’il en ſouspirant, qui ne pretend plus rien à la poſſession de Mandane : & pluſt aux Dieux, adjouſta ce genereux Prince, que je puſſe vous inſpirer le repentir que j’ay de l’avoir enlevée : & d’eſtre cauſe de la plus grande partie des malheurs qu’elle a eus. Quoy Mazare, interrompit le Roy de Pont, vous ne pretendez plus rien à Mandane, & vous venez pourtant déguiſé dans le lieu où elle eſt ; vous ſervez un de vos Rivaux ; vous combatez contre les Troupes de l’autre ; vous aportez ſoin à acquerir des Amis ; vous teſmoignez meſme eſtre des miens ; & tout cela ſans avoir aucune pretention ! non non, cela n’eſt pas poſſible, & vous ne me le perſuaderez jamais. Il n’eſt touteſfois pas bien aiſé, dit le Roy de la Suſiane, de concevoir quelle peut eſtre l’intention du Prince Mazare : il en a pourtant une, repliqua le Roy de Pont, de quelque nature qu’elle ſoit. Ce qui m’eſpouvante (pourſuivit il en parlant à Abradate) c’eſt qu’il n’eſt rien que ce Prince n’ait fait, pour me perſuader de rendre la Princeſſe Mandane à Cyrus : car enfin (adjouſta t’il en parlant à mon Maiſtre) comment eſt il poſſible, ſi vous aimez encore cette Princeſſe, que vous m’ayez pû conſeiller de la remettre entre les mains d’un Prince