Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pourquoy ne vous contraignez pas pour l’amour de moy ; & ne laiſſez pas de me demander des nouvellez, comme ſi j’eſtois de Suſe, & meſme de la Cour. Cleodore entendant Beleſis parler ainſi, ſe mit à rire, ne croyant pas touteſfois qu’il pûſt luy dire rien de particulier : & penſant ſeulement qu’il ne parloit comme il faloit, que parce qu’il avoit sçeu quelque choſe de ſon humeur : de ſorte que prenant la parole, je voy bien, luy dit elle, que du moins vous sçavez que je crains les nouvelles connoiſſances : & les connoiſſances encore de ces gens qui ne sçavent les choſes du monde, que lors que ceux qui en ſont les ont oubliées. Mais Beleſis je ne ſuis pas auſſi injuſte qu’on vous l’a dit : car ce que je trouve eſtrange, eſt de voir des gens de Suſe qui ne sçavent rien de ce qui s’y paſſe : mais pour vous qui n’en eſtes pas, & qui n’y demeurez point, je ſerois fort déraiſonnnable, de vous blaſmer de ce que vous ne sçavez pas toutes les bagatelles qui ſont le ſecret de noſtre Cour : & fore incivile auſſi, de vous aller parler de choſes que vous n’entendriez point. Pour moy (interroropis-je parlant à Beleſis) il me ſemble que vous avez ſujet de vous loüer de Cleodore : au contraire, reprit il, j’ay peut-eſtre plus de ſujet de m’en pleindre que vous ne penſez : mais quoy qu’il en ſoit, adjouſta t’il encore en parlant à elle, voulez vous promettre de ne me traiter plus en Eſtranger, ſi je vous aprends des nouvelles ? mais j’entends, pourſuivit Beleſis en ſous riant, de celles que l’on ne dit pas tout haut, & qui paſſent d’oreille en oreille, durant plus de quatre jours, devant qu’on les die ſans baiſſer la voix. Ha Beleſis, s’eſcria t’elle, vous me ſeriez la plus grande honte du monde, & pourtant le plus grand plaiſir, ſi vous faiſiez