Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/474

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pareil menſonge, pour m’excuſer de ne vous traiter pas aſſez bien : alors Hermogene & moy diſmes, comme il eſtoit vray, que nous n’en avions rien sçeu : de ſorte qu’apres cela, ce ne furent que des exclamations & des loüanges, en faveur de Beleſis : Cleodore luy demandant pardon de l’avoir traitté en Eſtranger : & luy declarant qu’elle ne le feroit plus de ſa vie. Enfin nous loüaſmes tant Beleſis, que nous ne penſaſmes jamais nous impoſer ſilence : & la Compagnie s’en retourna ſi ſatiſfaite de l’agreable ſurpriſe qu’elle avoit euë, que cela ne fit pas un petit effet dans le cœur de Cleodore : n’y ayant rien de ſi important dans une affection naiſſante, que de faire quelque galanterie d’eſclat, qui face que diverſes perſonnes vous loüent en la preſence de celle que vous aimez. Voila donc, Seigneur, comment Beleſis ceſſa d’eſtre Eſtranger aupres de Cleodore, qu’il vit tres ſouvent depuis cela : & dont il devint ſi amoureux, qu’il fit deſſein de s’arreſter le plus long temps qu’il pourroit à Suſe. Il fit donc ſi bien, que ſes Parents luy ayant envoyé dequoy ſe mettre en equipage, il n’y eut pas un homme de ſa condition à la Cour, qui fiſt une plus belle deſpence que luy. Cependant comme il sçeut admirablement prendre le biais de l’eſprit de Cleodore, il fut fort bien avec elle, ſans oſer pourtant jamais l’entretenir de ſa paſſion ſerieuſement : car il connoiſſoit à cent choſes, que c’eſtoit une reſolution dangereuſe à prendre, que celle de luy parler d’amour. D’abord elle declara qu’elle le mettoit au rang de ſes Amis en general : quelque temps apres elle luy fit la grace de luy advoüer publiquement, qu’il eſtoit du nombre de trois ou quatre qu’elle preferoit à tous les autres : & quelque temps encore en ſuitte, je penſe que Beleſis