Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/573

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par elle, ou par quelque confidente qui la trahie : & j’ay pour mon malheur dans ma memoire, tout ce que vous avez fait contre moy. Jugez apres cela, quels ſentimens je dois avoir pour vous, & ſi je ne dois pas vous mépriſer juſques au point, de ne pouvoir ſeulement vous haïr. l’advoüe touteſfois, adjouſta t’elle, que je n’en ſuis pas encore là, car il eſt vray que je vous haïs horriblement : non ſeulement parce que l’inconſtance eſt une foibleſſe indigne d’un eſprit raiſonnable, & d’un homme genereux : mais encore, parce que vous avez voulu cacher cette inconſtance, en feignant d’eſtre jaloux ; & que vous m’avez voulu noircir injuſtement de voſtre crime. Mais Madame, luy dit il, pourquoy durant ſi long temps m’avez vous traitté ſi cruellement, & pourquoy m’avez vous rendu ſi malheureux, que j’aye eſté contraint d’eſſayer de vous donner de la jalouſie, & de feindre meſme d’en avoir pous vous, afin de taſcher de vous donner de l’amour ? Non non Beleſis, luy dit elle, ne déguiſez pas les choſes, vous avez aimé Leoniſe, & nous n’avez point creû que j’aimaſſe Hermogene. Je ne sçay, dit il, ſi je l’ay creû : mais je sçay bien que je le crains eſtrangement : & qu’il n’eſt rien que je ne faſſe pour l’empeſcher d’eſtre bien aveque vous. Ce que vous me dittes eſt ſi extravagant, repliqua Cleodore en colere, que je ne comprens pas que je puiſſe avoir la patience de ſouffrir que vous ſoyez encore un moment aupres de moy. Mais comme c’eſt icy la derniere fois de ma vie, que je vous parleray, je ſeray bien aiſe de sçavoir, par quels motifs vous avez changé de ſentimens : car devant que Leoniſe fuſt à Suſe, vous y aviez veû nulle Perſonnes plus belles que moy, & plus belles que Leoniſe : cependant vous ne m’aviez pas quittée pour elles : ce ne ſont pas auſſi mes