Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

où je me trouvois, je n’entendois parler que de la maladie d’une Fille de la Ville, que l’on diſoit eſtre la plus belle choſe du monde. Et comme je demanday à Polimnis s’il eſtoit vray que cette Perſonne que l’on diſoit qui eſtoit en danger de mourir, fuſt plus belle que tout ce que j’avois veû à Thebes ? Il m’aſſura de nouveau, qu’elle avoit plus de beauté toute ſeule, que toutes les autres enſemble. J’apris en ſuitte qu’elle eſtoit ſa parente : qu’elle eſtoit deſcenduë d’Eteocle Neueu de Creon, & fils d’Iocaſte, qui avoient porté la Couronne avec tant d’infortunes : & que cette Perſonne avoit toutes les qualitez qui pouvoient la rendre accomplie. Je commençay donc de m’intereſſer à ſa conſervation ſans la connoiſtre : & il n’y avoit point de jour, que je ne demandaſſe à Polimnis comment ſe portoit ſa belle Malade ? Sans en avoir pourtant, comme vous pouvez penſer, une plus grande inquietude, que celle que l’amour des belles choſes en general peut cauſer : & que la compaſſion naturelle peut inſpirer à un homme qui a l’ame tendre, & l’imagination aſſez vive. Cependant il eſtoit aiſé de connoiſtre ſes Amans ; car ils eſtoient tous ſi melancoliques, que les plus diſcrets faiſoient voir leur paſſion par leurs larmes, ou à tout le moins par leurs ſoupirs. Un jour que Polimnis & moy paſſions devant la porte de Leontine (car cette belle Perſonne ſe nommoit ainſi ; & c’eſtoit la meſme qui avoit gueri Antigene de l’amour de Philiſte) nous y viſmes entrer beaucoup de gens avec precipitation : & nous en viſmes auſſi ſortir quelques autres, le viſage tout couvert de pleurs. Polimnis arreſtant une des Femmes de Leontine, qu’il vit eſtre fort affligée, elle luy dit que ſa Maiſtresse ſe mouroit : & qu’elle