Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/499

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cruel, qu’il s’en faut peu que pour vous monſtrer que je ne vous abandonneray de ma vie, je ne paſſe de voſtre coſté : & ne tourne mes armes contre ceux que je commande. Je n’ay pas l’eſprit ſi violent que vous l’avez, reprit elle, & comme je ne pretens pas faire rien indigne de moy, je ne voudrois pas auſſi que vous fiſſiez rien indigne de vous. C’eſt pourquoy ſans nous pleindre plus long temps inutilement, adjouſta t’elle en ſoupirant, retirez vous Spitridate : envoyez vers Arſamone, pour taſcher de l’amener à la raiſon : repreſentez luy par ceux qui luy parleront, que pour conſerver en paix le Royaume de Bithinie qui luy apartient, il doit rendre celuy de Pont, qui ne luy apartient pas : & faites enfin tout ce que vous pourrez pour vôtre ſatisfaction & pour la mienne. Mais ſi vous ne pouvez fléchir Arſamone, ſouvenez vous du moins de me conſerver la liberté, ſi vous me voulez conſerver la vie. Spitridate eſtoit ſi touché des paroles de la Princeſſe, qu’il ne pouvoit preſques luy reſpondre : quoy Madame, dit il, vous voulez deſja m’abandonner ! La bien-ſeance le veut, reſpondit elle, & il luy faut obeïr. Mais encore une fois, Spitridate, je veux mourir libre : & encore une fois Madame, interrompit il, je veux mourir voſtre Eſclave. Ce n’eſt point aux heureux, reprit elle, à deſirer la mort : ce n’eſt point en effet aux infortunez, repliqua t’il, à deſirer la vie : c’eſt pourquoy, Madame, ſi je ne gagne rien ny ſur l’eſprit du Roy mon Pere, ny ſur le voſtre : quand je vous auray remiſe en liberté, je ne regarderay plus que le Tombeau. Comme voſtre vie m’eſt & me ſera touſjours chere, reſpondit elle, je veux que vous la conſerviez : mais encore une fois, Spitridate, retirez vous : & dittes