Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/537

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leur coſté, ils eurent bien toſt joint les premieres Troupes : & de là penetré juſques où eſtoit Ciaxare, avec le Roy de Phrigie. Dés que les gens de guerre virent Cyrus, ce furent des cris de joye, & des acclamations ſi grandes, qu’on euſt dit qu’ils avoient oublié que Ciaxare eſtoit là : Cyrus leur fit ſigne de la main, avec une modeſtie extréme, qu’ils ſe teûſſent, qu’ils marchaſſent ; & qu’ils gardaſſent leurs rangs : il avoit pourtant dans les yeux je ne sçay quel ſous-rire ſi obligeant ; qu’il refuſoit les honneurs qu’ils luy vouloient faire ſans les faſcher. Cependant le Roy d’Aſſirie eſcoutoit ces acclamations avec chagrin, quoy qu’il ne vouluſt pas le teſmoigner : Mais enfin ils joignirent Ciaxare, en un lieu où il eſtoit deſcendu de cheval pour ſe rafraichir un peu, & pour regarder filer les Troupes qu’il vouloit qui le precedaſſent en aprochant d’Artaxate. Cyrus ne le vit pas pluſtost de loing ſous des arbres, qu’il en advertit le Roy d’Aſſirie : ſi bien que deſcendant à vingt pas prés du lieu où il eſtoit, ils furent le trouver à l’inſtant. Noſtre invincible Heros s’avança trois pas devant ſon illuſtre Rival, comme pour le preſenter : mais quoy qu’il peuſt faire, Ciaxare l’embraſſa le premier : en ſuitte de quoy il ſalüa le Roy d’Aſſirie aſſez civilement : luy diſant qu’encore qu’il fuſt la cauſe de tous ſes deſplaisirs, il eſtoit juſte de reparer en quelque ſorte, les incivilitez que l’on avoit faites autrefois à Philidaſpe, par le reſpect que l’on rendroit au Roy d’Aſſirie. Seigneur, luy repliqua ce Prince, ſi j’ay failli envers vous, la Fortune m’en a bien puni : ce n’eſt pas que je croye que la perte de ma Couronne, vaille la perte de la Princeſſe Mandane : auſſi eſt-ce avec intention de vous redonner