Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/565

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grand, que rien ne luy peut reſister. Je diray neantmoins ſans menſonge, que ſi nous fuſmes quelqueſfois vaincus, nous ne le fuſmes pas ſans gloire : & que ſi nous ne vainquiſimes point, nous monſtrasmes du moins à nos Ennemis, que nous meritions de vaincre. La Paix ſe rit alors, par l’entremiſe du ſage Bias, qui pour cét effet fut de Prienne à Samos : bien eſt il vray qu’elle ne fut pas de longue durée ; eſtant impoſſible de pouvoir empeſcher Polycrate de faire des courſes ſur la Mer, & d’y attaquer preſques tout ce qu’il y rencontre. A mon retour à Milet, je trouvay le Mariage d’Alexideſme & de Leonce preſt d’eſtre achevé : car durant mon abſence, Melaſie & Philodice avoient caballé dans toute la Ville, & principalement avec le Chef de la faction oppoſée au ſage Thales : qui bien qu’il aimaſt la liberté de ſon Païs, n’euſt pas voulu la recouvrer par des voyes violentes : diſant quelques fois qu’un Tiran qui gouverne ſes Sujets en paix, vaut mieux que la liberté que l’on ne peut recouvrer ſans faire la guerre. Mais ceux de l’autre Parti, agirent bien d’une autre ſorte, & penſerent les choſes d’une façon qui n’eſt pas commune : car enfin s’eſtant imaginez que le Prince mon Pere avoit uſurpé une authorité qui ne luy apartenoit pas : & voulant remettre le gouvernement populaire dans la Ville, & empeſcher que ſes ſuccesseurs ne regnaſſent apres luy : voicy comme ils raiſonnerent entre eux, ſans que Melaſie & Philodice en sçeuſſent rien, quoy qu’elles fuſſent pourtant de leur intelligence. Ils penſerent donc, que tant que le Prince mon Pere vivroit, il ne faloit point ſonger à recouvrer leur liberté : & qu’il faloit regarder ſeulement, comment les choſes pourroient