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Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/314

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inutiles. La foule avait compris et bousculait le jeune homme, en riant. Et tous attendaient que le diacre, confondant ses insulteurs, fît à ses nouveaux fidèles un beau discours d’arrivée.

Or, le chrétien ne répondit pas à ces injures, bien qu’odieuses, impies, et propres à le déconsidérer. Le Livre dit : Tu pardonneras les offenses. Et d’ailleurs, on ne pouvait descendre à discuter avec un vieux fou de sauvage et un petit piritané sans emploi. Puis toutes les craintes étaient loin : Kérito récompensait déjà son serviteur bien avisé. Ouvrant les sacs que les deux Farani laissaient tomber à ses jambes, Iakoba dit fièrement aux fétii : — « Voici vos clous ! » Ensuite il montra le rivage, la route Royale, l’emplacement propice, l’amas de planches toutes prêtes, et il fit comme faisaient les Missionnaires dans certains jours manifestement inspirés : — « Enfin ! » il étendait les deux bras, « nous bâtirons la Maison du Seigneur ! Hotana pour Kérito ! » Les fidèles répondirent : — « Améné », et dans un nouvel enthousiasme ils s’empressaient tous à l’ouvrage.

Mais le diacre tout d’abord, rajusta décemment un pli de son maro noir que le vieux avait défait en s’y raccrochant.


FIN