Page:Segalen - René Leys.djvu/103

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— Mon père a tort de se remarier ! On sait bien ce qu’il épouse ! Une fille qu’il a connue autrefois, dans une tournée d’achalandage, à Louvain. Et ma mère vivait encore…

Ceci ne me semblerait point offensif, si je ne devinais au fond de cette jeune âme demi-belge ce débat : sa mère était Française, et il ne veut pas être Belge. Ceci peut-être l’empêchera de jamais devenir Chinois à la façon de Jarignoux son ami.

Enfin, ce sont un peu ses affaires ! Et surtout, la vie intime d’un commerçant veuf qui reconvole n’a pour moi, ce soir en particulier, aucun intérêt poignant. — Si nous parlions d’autre chose ?

— Ce qui m’ennuie, insiste René Leys, c’est que mon père me fait des reproches sur la façon dont je vis. Je ne sais pas ce qu’on a pu lui écrire ! Il m’accuse de compromettre ma situation à l’Université. S’il savait !

(Enfin, nous y voilà).

— Mon père me traite comme un petit garçon. Je ne peux pas lui raconter ce qui m’arrive : il irait le crier sur tous les toits : mon père croit que, si je quittais mon cours, je n’aurais plus aucune « position ». S’il savait !

Et brusquement, avec la simplicité énergique de l’enfant qui passe sa manche sale sur les yeux, reprenant sa voix et son calme, René Leys redevient lui-même, précis et informateur : ce qu’il ne peut pas écrire à son père, il faut bien qu’il le dise à quel-