Page:Segalen - René Leys.djvu/107

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Il fait chaud et très noir. Mais ! je vois clair. Voici la lumière et la porte et la pénétration ! Voici mes entrées promises : le mur rouge, le mur jaune, le mur violet infranchissable, me semblent tout d’un coup faits de réseaux délicats, transparents, que je perce et passe en jouant, sous des costumes… — Ma confiance n’a plus de bornes : je saurai tout : je verrai tout : je ne puis retenir de le complimenter :

— En somme, vous êtes chez vous, au Palais ?

Et j’attends un aveu total : il pénètre jusqu’au Grand Conseil à chaque aube ? Il jette des mots ou fait des signes, et les Eunuques s’inclinent très bas devant lui ?

Non. Il paraît qu’il n’en est rien, qu’il y a, dans le Palais même, des enceintes infranchissables à toute la police du Régent, et même au Régent !

— Ne les franchissez donc pas ! Et quel besoin ?

René Leys devient excessivement sérieux :

— C’est que… sa vie est en jeu tous les jours. Il faut bien arriver là d’où partent les coups… Et il ne se doute de rien.

— Avertissez-le !

— J’en ai peur. J’ai de la peine à l’effrayer une seconde fois… Si vous aviez vu son air tremblant et ses yeux, quand il a appris le lendemain qu’il « aurait pu être touché » ! La même figure que son frère d’autrefois ! Quand il a su que c’était moi qui avais coupé les fils, il m’a appelé « son ami ». Son ami ! vous entendez !