Page:Segalen - René Leys.djvu/166

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avoir la foi réceptrice d’un voyageur étranger épris de ce pays pour admettre sans scrupule ce qu’un lecteur indigène déclarerait sacrilège, immoral, scandaleux, incorrect, inhabituel… Et pourtant, combien tout ce qui suit devient logique et nécessaire ! inévitable !… Des paroles qui pouvaient tout d’abord sembler maladroites se précisent, — et je lui rends justice, pleine justice, à cet amoureux triomphant ! à ce vainqueur René Leys ! Quelle revanche de l’assaut des Légations en 1900 ! Il vient d’assiéger et de vaincre le cœur impérialement clos, la Personne triple et quadruplement enceinte ! l’inexpugnable ! la Mère de l’Empire, l’Aïeule des Dix Mille Âges !

C’est même ce dernier détail qui me fait croire à ce miracle d’amour : la différence de condition sociale ou de race subrogeant sur une simple différence d’âge, surtout à rebours. Si je compte « historiquement », Dame Long Yu possède à elle toute seule trente-huit à quarante ans. Lui, pas même dix-huit. Les probabilités chronologiques sont fortes !

Et d’ailleurs, je tiens le document. Il semble qu’à chacune de ses nouvelles aventures, de ses nouveaux avatars, René Leys ait soin de me fournir galamment les raisons de croire : voici trois jours, c’était le reçu en règle de cette « Première Nuit »… (Il faudra bien me décider à le lui retourner : il en aura sans doute besoin pour marchander la seconde.) Aujourd’hui c’est un poème en prose, une sorte d’épître lyrique.