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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/228

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le lui témoigna ; et Gaspard, de son côté, sentit se développer pour son maître une reconnaissance affectueuse qui le surprit, lui aussi, car depuis bien des années il n’avait travaillé que pour son propre intérêt en travaillant pour celui de M. Féréor.

« Est-ce que je l’aimerais tout de bon ? se demanda-t-il comme se l’était demandé son maître. Si je l’aime, c’est tant mieux ; je suis fatigué de vivre pour moi seul et de n’aimer personne. »

Sous peu de jours les bobines furent montées, et tous les ouvriers admirèrent le perfectionnement inventé par M. Féréor. Gaspard se garda bien de raconter à son maître les propos flatteurs des ouvriers, mais il engagea les contre-maîtres à les redire.

« M. Féréor vous en saura gré, leur dit-il ; quand on a trouvé du nouveau pour un mécanisme, on est bien aise d’être approuvé par des connaisseurs, et on leur en sait gré. »

De sorte que les contre-maîtres ne se lassaient pas de complimenter M. Féréor sur son génie mécanique.

Trois années se passèrent ainsi ; M. Féréor et Gaspard s’attachaient de plus en plus l’un à l’autre ; André continuait à gémir sur sa séparation d’avec ses parents ; son travail s’en ressentait, et Gaspard ne perdait pas une occasion pour nuire habilement, sans s’écarter de la vérité, à ce concurrent qu’il redoutait. Il profitait des idées intelligentes mais incomplètes d’André, et les pré-