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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/295

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M. Féréor à mes parents ! Chez eux je me sens gêné, ennuyé ! Et puis le souvenir de mon enfance, de la dureté de mon père, de l’indifférence de ma mère, me met mal à l’aise. Dans tout ça, Lucas est le seul qui me tienne un peu au cœur, et encore je m’en passe bien ; je n’y pense pas, tandis que si mon usine me manquait, je serais comme un corps sans âme. Et si mon père adoptif venait à me manquer, je me sentirais comme abandonné, comme un corps sans tête.

La mère.

Eh bien ! Gaspard, à quoi penses-tu donc, les bras croisés, la tête penchée ?

Gaspard.

Rien, rien, ma mère ; je pensais à ma sortie de chez vous il y a neuf ans, et au chemin que j’ai fait.

La mère.

Tu as bien marché, mon ami, et tu as été loin. Voyons, mettons-nous à table. »

Le dîner fut bon, mais il n’y eut pas de gaieté. Gaspard avait perdu l’habitude de rire ; Lucas se sentait gêné ; les parents étaient mécontents de l’attitude un peu hautaine de Gaspard qui les dominait par son intelligence hors ligne, et par toute sa position de monsieur et de millionnaire, tandis qu’ils restaient cultivateurs simples et grossiers comme devant.

Après le dîner, Gaspard voulut encore sortir avec Lucas, mais la voiture vint le chercher. Il se