Page:Segur - Pauvre Blaise.djvu/300

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« Vous avez repris votre air terrible, mon ami, dit-elle à son mari en rentrant au salon ; vous l’aviez perdu à mon retour ; j’espère que vous ne le garderez pas ; vous me faites peur, ce soir.

— Hélène et Jules ne me craignent plus, répondit le comte en serrant ses enfants dans ses bras ; ils savent que tout est changé en moi, et que mon air sévère, que je regrette et que je me reproche, n’est plus que le symptôme extérieur d’une tristesse que je ne puis vaincre. Vous me comprendrez un jour, je l’espère, ma chère Julie, et vous serez alors, comme moi, triste du passé et heureuse du présent. »

La comtesse répondit légèrement au serrement de main du comte ; elle rougit encore, réfléchit quelques instants, et, se tournant vers Jules, elle lui dit avec effort :

« Jules,… je suis fâchée du chagrin que je te cause ; si j’avais de Blaise l’opinion qu’en a ton père, je n’aurais jamais défendu son intimité avec toi,… quoiqu’il ne soit que le fils d’un portier, ajouta-t-elle par réflexion ; mais… c’est pour toi, pour Hélène… que je crains… que je crois… que je veux éviter… »

La comtesse s’arrêta, ne sachant comment achever, et craignant d’en avoir trop dit ; son mari l’encourageait par un affectueux sourire ; ses en-