Page:Selden – Les Derniers Jours de Henri Heine, 1884.djvu/115

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l’unique de ma vie, vision sur laquelle je m’abstiens de tout commentaire et que je ne cite que pour la singularité du fait, viendra toujours se rattacher dans ma mémoire à la date de la mort de Henri Heine.

Malgré le froid, et les restes d’une indisposition assez sérieuse, je frappais, dès dix heures du matin, à la porte de mon cher poète. En m’entendant dire qu’il n’était plus, je restai comme étourdie et sans comprendre. Le premier moment de stupeur passé, je demandai à le voir.

On me mena dans la chambre silencieuse où, comme une statue sur une tombe, le corps reposait dans l’auguste immobilité de la mort. Plus rien d’humain dans cette froide dépouille, plus rien qui rappelât celui qui avait aimé, haï, souffert : un masque antique sur lequel un apaisement suprême mettait la glace d’une indifférence hautaine, un pâle visage de marbre dont les lignes correctes rappelaient les plus purs