Page:Selden – Les Derniers Jours de Henri Heine, 1884.djvu/90

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deviner l’avenir à travers le voile épais du présent. C’est surtout lorsque l’homme est heureux et bien portant qu’il est incrédule.

À l’époque où ses souffrances s’aggravèrent, Heine me parla souvent d’une sorte d’élan subit qui, tout à coup, l’obligeait à tendre les bras vers le ciel, et à crier grâce. Il l’éprouvait surtout pendant ces interminables insomnies nocturnes où le rêve des jouissances éteintes venait se confondre avec le poignant souvenir des injustices souffertes, et des insultes reçues, état affreux où le délire lui montrait tour à tour des images douces et des visages menaçants, lui arrachait tantôt des cris, et tantôt des soupirs.

Souvent, comme je le disais tout à l’heure, il se revoyait enfant dans la maison paternelle, recommençait la vie à nouveaux frais, et souriait aux chères figures qui l’y avaient tendrement accueilli. Une fois, comme il sortait d’un assoupissement assez