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enchaîné[1] le dévastateur, d’avoir produit Ahriman.

Si l’homme étoit né bon à notre manière, ou plutôt si nous ne cherchions que sa perfection naturelle, nous n’aurions besoin ni des lois pour le changer et le contraindre, ni de l’éducation qui doit préparer leur pouvoir, et dont les effets sont nuls ou dangereux s’ils ne conduisent au même but.

Si le tempérament et les différences des organes déterminoient seuls ce que sera chaque homme, l’éducation seroit superflue, et la contrainte des lois seroit plus impuissante encore qu’elle ne l’est en effet.

Si la diversité des circonstances, si les leçons reçues des livres ou des maîtres et sur-

  1. L’homme tellement libre qu’il semble à peine assujetti à ses premiers besoins, a dû paroître un phénomène inexplicable, parce qu’il se trouve actuellement le seul être ainsi organisé sur le globe qu’il habite. Si ceux qui, d’après cette donnée insuffisante, en ont fait le maître du monde, avoient pu voir seulement quelques autres planètes, ou même mille siècles de notre terre, ils eussent renoncé sans doute à ce préjugé qui leur fait voir dans l’homme un être à part et supérieur à toutes les productions de la nature animée.