Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/194

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propre, un caractère qui ne soit qu’à lui. Mais si les lois des hommes n’étoient qu’un mode plus simple, une expression plus directe des lois de la nature, elles seroient durables sans qu’il fût besoin de les opposer entre elles par des nouveautés et des moyens bizarres, ou de distinguer les peuples par les rivalités et les haines. Ce qui est simple et naturellement convenable n’est pas susceptible de tant de formes variées, et n’a rien à perdre ou à gagner en se mêlant à ce qui est également bien disposé pour un même but. Mais les choses factices peuvent se modifier de tant de manières dissemblables, et les choses compliquées diffèrent par tant de points qu’elles ne peuvent s’unir sans s’altérer. Pour qu’elles subsistent toujours elles, il faut qu’elles soient tellement originales et uniques que rien de ce qui les environne ne puisse s’allier avec elles. Lycurgue a rendu les Spartiates singuliers parmi les Grecs ; Moïse a, dans ce sens, plus fait encore : il a séparé essentiellement son peuple des autres peuples. Les mœurs de Sparte étoient uniques en Grèce, et Sparte subsista long-tems différente de ses voisins. Tout chez les Hébreux les éloignoit des autres nations, et les Hébreux restent toujours séparés. Une même force morale conserve