Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/219

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Dans ce système il faut se taire ou admettre le rêve de Leibnitz ; et qu’est-ce qu’un système que rien ne prouve, que rien n’autorise dans la nature, et qui a de si invincibles difficultés que l’on ne peut même essayer de les éluder, si l’on ne veut recourir à l’hypothèse absolument gratuite de l’harmonie préétablie, pour couper ce nœud que nulle subtilité ne promet de défaire ?

Si nous trouvons en nous quelque répugnance[1] à croire l’ame matérielle, ne seroit-ce point, en partie, parce que nous avons de la matière une idée trop circonscrite et fausse ? Nous la croyons vulgairement une substance grossière, passive, incapable par elle-même de mouvement et de vie. Mais s’il existe une matière subtile et active, principe de mouvement, d’organisation et de vie, agent universel de la nature, un feu élémentaire, tel que nous en pouvons concevoir une idée imparfaite d’après la subtilité et la surprenante activité de la lumière ; alors nous supposerons

  1. Et l’habitude d’une opinion contraire suffiroit pour nous donner sur cet objet la répugnance du préjugé contre les raisons qui le veulent détromper ; mais cette persuasion a d’autres causes non moins naturelles.