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ou un enchaînement de mille pensées, et l’esprit est ainsi mu indirectement par les organes. Dans un autre moment, quelque rapport entre la disposition présente des organes et cette disposition passée produira des souvenirs, ou des sentimens inopinés.

Quand l’action respective des deux principes devient plus forte, plus compliquée, plus active, la pensée s’étend et s’agrandit, les organes se fortifient, l’enfant devient homme ; quand elle s’affoiblit, s’épuise momentanément, l’homme repose. Pendant le sommeil les deux principes agissent, mais en quelque sorte à part, et d’une manière isolée ; ce n’est que leur action mutuelle qui est presque suspendue : dans le sommeil l’homme sent et rêve, son sang circule et ses alimens se résolvent en chyle ; mais ses organes n’apportent guères de nouvelles sensations à son esprit, et son esprit s’exprime rarement[1] par ses organes.

  1. Je dis guères et rarement, car l’un et l’autre arrivent encore, comme il est facile de le reconnoître dans celui qui parle en dormant, et qui quelquefois répond à ce qu’on lui dit, si les sons dont on frappe son oreille se rencontrent avec les impressions de son idée qu’exprimoient ses paroles confuses et mal articulées.