Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/237

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énergie dans la santé, et s’abat comme lui dans la maladie ; que ses affections dépendent de l’air subtil ou triste qu’il respire, du fluide ardent ou épuisé qui circule dans ses veines ou ses nerfs ; et qu’ainsi, variable comme lui et par lui, elle paroît avec lui périssable. Mais considérons de quelle impénétrabilité[1] s’enveloppe l’essence des choses ; combien il seroit téméraire à l’être borné qui ne peut percevoir qu’un rapport apparent, de prétendre sonder

  1. J’ai passé sous silence des objections dont la réponse me paroît facile pour ceux qui cherchent la raison des choses. On observe, par exemple, que le désir de l’immortalité est de tous nos désirs le seul que la vie toute entière ne puisse éteindre ; et qu’il est la passion des hommes que leurs connoissances, leurs talens, leurs génies élèvent au-dessus du vulgaire, et dont l’opinion peut faire autorité. Mais supposons que l’immortalité soit une erreur, il est tout simple que l’on ne revienne à aucun âge de l’erreur dont l’expérience ne peut à aucun âge nous détromper ; il est tout simple encore que la plus sublime, la plus séduisante des erreurs, et par la raison que l’on vient de voir, la plus difficile à quitter, soit celle qui séduise les esprits nobles, avides, ingénieux. Tant d’illusions, dont l’expérience de chaque homme détrompe tous les jours, en séduisent néanmoins le plus grand nombre ; l’on ne peut être surpris