Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/285

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vieillis dans les recherches. Sans une grande mémoire des mots, il ne perd jamais le résultat des choses qu’il a vu, qu’il a connu. Sa diction est noble, son éloquence négligée, mâle, énergique, tonnante. Indifférent, vulgaire, peut-être foible, dans tout ce qui n’est pas digne de sa grande ame, il retrouve la force, la persuasion, tout le calme de l’impassibilité, et toute la fermeté d’un enthousiasme raisonné, dès que l’importance des objets le place dans sa sphère d’activité.

S’il étudie la nature dans sa totalité, il trouve une grandeur unique, nécessaire, une profondeur impénétrable[1] ; s’il descend à ses vues particulières, il la trouve plus intelligible dans l’homme, et il en pénètre assez pour ordonner cet être isolé selon l’ensemble des êtres ; s’il cherche les lois immuables du grand être dans les choses extérieures, ce n’est plus la voix intérieure qui le guide, c’est le doute du sage qui l’empêche de se livrer à l’erreur. Un certain instinct de ce qui est grand et universel le place dans les voies de la nature,

  1. Les raisons de cette impénétrabilité absolue ne me semblent nullement inaccessibles ; je les exposerai ailleurs, afin d’établir d’une manière sensible l’évidence que je crois y trouver.